
Je vous préviens, la suite va être très détaillée et ça pourrait un peu vous barber. Il s’agit simplement d’un article sur mes premiers jours à Angers et mes ressentis. Si l’envie vous manque, je vous propose de plutôt découvrir cet article là de bilan de l’expérience qui est plus synthétique et probablement plus sympathique à lire.
Pour rentrer à Angers, j’ai eu mon train de justesse, mais je l’ai eu ; me voilà arrivée à la gare.
Ça me fait vraiment bizarre de retrouver Angers. J’attends le tramway à l’entrée de la gare. Je retrouve mes habitudes angevines sans peine, je sais que l’attente est plus longue le dimanche. J’observe notre ville. Elle n’a pas bougé, il fait beau, il y a du monde en balade. Je regarde l’entrée de la gare, les aménagements, les gens qui passent… et mes pensées se succèdent, se mélangent. L’image de Huaylas et de ses familles arrivent dans mon esprit; ils sont si loin géographiquement et si loin de l’environnement dans lequel je suis maintenant. Tout est si propre ici, si rangé, si droit. Il arrive, il est beau ce tramway, il brille. Je monte dedans, c’est un peu comme si je ne m’étais jamais envolée, mes automatismes sont là. Je passe ma carte, comme d’habitude. C’est comme si je l’avais pris hier. Le tramway part, et je regarde défiler par la fenêtre le centre-ville. Je connais tout, le trajet du tramway, le bruit de ses portes, le calme qui règne à l’intérieur, l’emplacement des fontaines, des magasins… pourtant je sens que je pose un regard différent sur cet environnement. Ce n’est pas aussi naturel qu’avant de voir toutes ces enseignes et vitrines toutes plus pétillantes les unes que les autres. Je me rends compte du décalage entre le monde dans lequel je suis née, et le monde dans lequel j’ai vécu ces derniers mois. Plus le tramway s’enfonce dans la ville, plus la seule chose que je vois c’est la richesse de cet environnement. Ça me perd. Huaylas réapparait dans mon esprit. Il n’y avait ni enseigne, ni chaîne de magasins, seulement des familles qui vendent des produits derrière un guichet. Les routes n’étaient bétonnées que dans les rues principales et ce sont d’ailleurs les femmes de la ville qui nettoyaient leurs rues au balai…
(l’épicerie de Delfina)
J’arrive à l’appartement, rien n’a bougé non plus. C’est confortable, c’est lisse, c’est propre, c’est chez nous. Depuis que j’ai posé mes pieds à la gare d’Angers, je ne fais que réfléchir. Mais bon, je dépose mes affaires et j’ai soif. Spontanément, je vais me servir un verre d’eau au robinet et je bois d’un coup. C’est intéressant de voir combien les automatismes reviennent vite alors que je n’ai pas fait cet enchaînement de gestes depuis des mois. C’est naturel de le faire pour moi, j’ai vécu avec cette habitude-là : l’eau potable sort directement par le robinet de la cuisine. Et ça ne me posait pas vraiment question jusqu’à maintenant pourtant. Ce jour-là, une petite voix me rappelle combien c’est formidable d’avoir l’eau potable si facilement. Elle me dit aussi que l’eau est précieuse. A ce moment précis, je n’ai pas gaspillé un centilitre de l’eau qui sortait du robinet.
Cela me fait penser qu’avoir de l’eau potable chez nous est une richesse qu’on ne soupçonne pas. C’est normal puisqu’elle est en fait acquise, chez nous, à volonté. Pourtant, partout où je suis allée à Huaylas, il fallait aller chercher de l’eau au robinet qui pouvait être n’importe où dans la maison ou dans la cour. Il fallait parfois la récupérer en grande quantité puis se rendre jusqu’à la cuisine pour la faire bouillir. Le manque d’eau pour nourrir les terres est aussi un réel problème de leur quotidien. La majorité des habitants étant agriculteurs, en parlaient très rapidement quand on commençait à discuter avec eux.
Voilà mes premières réflexions sur le sol angevin. J’ai été mal à l’aise, en réflexion pendant 3 jours. J’étais comme coincée entre deux modes de vies très éloignés. C’était comme si j’étais face à une équation impossible à résoudre. Je dois vivre avec le mode de vie d’ici, c’est un fait, actuellement, je vis ici. Et puis, je sais qu’on y vit bien, mais tout pose question, c’est étrange. Car en en même temps, je culpabilise un petit peu d’avoir ce que les habitants de Huaylas n’ont pas. Et je suis en plus rappelée à l’ordre par les belles valeurs que j’ai redécouvert à Huaylas.
Même s’il y a ces différences de confort, je trouve que nous pouvons clairement envier les habitants de Huaylas. Je l’ai déjà écrit dans ce blog mais j’ai l’impression qu’ils vivent de l’essentiel et qu’ils sont tout aussi heureux que nous ; si ce n’est pas plus. Ils profitent de la vie en pleine montagne, de ce que leur offre la nature, les animaux et ils profitent des moments en famille. Ils achètent simplement ce dont ils ont besoin.
De notre côté, par exemple, je trouve que nous sommes stressés par une multitude de petites choses (être à l’heure, la pression du chef…). Je n’ai pas eu le temps de bien connaître personnellement les habitants de Huaylas mais je crois pouvoir dire qu’ils sont stressés mais différemment. L’angoisse qui les anime est principalement liée à la survie : pouvoir avoir de l’eau irriguer les terre, nourrir les animaux et travailler dur, physiquement, pour pouvoir vivre. Mais là-bas, l’atmosphère est profondément paisible, bercé par ce plaisir de travailler au grand air, d’avoir son propre rythme et de vivre de son exploitation. Je me souviens d’une discussion avec Maria qui disait qu’avant elle travaillait pour la mairie mais qu’elle préfère sa vie d’aujourd’hui à s’occuper de ses champs, de ses animaux et être davantage avec les siens chez elle.
Au bout de trois jours, je ne me posais plus de questions. J’étais moins réticente à aller dans un supermarché, si c’est de façon très ponctuelle. Je ne suis pas du tout partie assez longtemps pour que cette expérience modifie mes habitudes quotidiennes , elles sont revenues très rapidement. C’est une évidence, notre culture est dans notre sang et elle prend malgré tout le dessus.
Même si mes habitudes sont revenues aussi vites qu’elles sont parties, ce passage au Pérou aura eu le mérite de me permettre de m’interroger sur mes pratiques; de remettre le doigt sur ce qui me questionnait déjà. Je reste toujours sensible à notre consommation d’eau. J’ai de moins en moins envie de donner aux grandes enseignes mais plutôt l’envie d’acheter des produits locaux, aux artisans, aux agriculteurs…etc (moins de déchet, développe l’économie locale). Je crois que je n’ai jamais mangé aussi sein qu’à Huaylas en mangeant les œufs, les cochons et les poulets des voisins. Je n’ai pas eu besoin de partir au Pérou pour en prendre conscience mais aujourd’hui le shopping, l’achat pour le plaisir d’acheter sans réel besoin derrière, m’offusque encore plus qu’avant.
Voilà pour ce qui est de mes premiers jours en France.
Dans les prochains articles je vous publie toutes les vidéos réalisées, un petit résumé du « bilan Voluntube en Italie » et un petit article concluant cette année de voyage.