Je reprends le travail aujourd’hui au couvent. Je vais travailler encore trois jours puis je pars jeudi pour Florence pour retrouver Nico.

Il est prévu que les sœurs aillent travailler dans le jardin cet après-midi alors je fais seulement une heure de travail ce matin, puis j’épluche les légumes en silence avec les soeurs puis je travaillerai dans le jardin tout l’après-midi avec elles.

Enlever les méchantes petites herbes qui poussent au pied des ibiscus

Je vais éplucher les légumes à 13h. Comme la dernière fois, j’entre, et de grandes cagettes de légumes sont placées sur la longue table de la cuisine avec 7 sœurs tout autour à travailler. Il y a un tableau blanc accroché au mur où il est indiqué ce qu’il faut faire pour chaque panier. En général, c’est un panier par légume. Une sœur me fait signe que je peux m’occuper avec elle de feuilles vertes. On ne sait pas vraiment ce que c’est, des feuilles de salade probablement mais origine inconnu, cela ressemble à des épinards. Il est indiqué qu’on doit les trier et les laver. Tous ces paniers sont grands et remplis à ras bord, à chaque fois les quantités de légumes sont énormes (bon, en même temps on est 20).

J’aime bien.

Toute en épluchant, je nous regarde d’un oeil extérieur, toutes concentrées sur nos petits légumes. C’est drôle de nous voir s’occuper des légumes à autant, mais sans un bruit. Enfin si, on entend tous les bruits de légumes qu’on taille, de légume qu’on pelle, de bassines qu’on remplit d’eau, d’objets qu’on pousse sur la table pour faire de la place…

Je n’ai pas la possibilité de filmer ou de prendre en photo les soeurs ici, c’est pourquoi vous les voyez très peu en photo. E puis, ici dans cette cuisine, ce n’est surtout le moment où il est question de s’amuser. Mais du coup, j’ai enregistré les bruits de la cuisine pendant qu’on est toutes au travail. Je vous propose de cliquer sur « bruit-cuisine » (et non sur télécharger), de fermer les yeux et d’imaginer 10 soeurs et Charlotte dans une longue cuisine d’un couvent en Italie :

Ca vous a plu ? 😀

Ensuite comme chaque midi je mange en solitude. J’aime bien manger dehors dans ce jardin. Je prends du plaisir petit à petit à manger seule, je regarde le jardin, le silence me fait moins peur. Le jardin est tellement agréable et il fait beau en ce moment.

Vers 14h30, je me remets à travailler dans le jardin, les sœurs devraient bientôt arriver. J’ai hâte. Enfin un moment avec elles et qui ne sera pas silencieux. De mon côté, je dois continuer à m’occuper de cette allée d’ibiscus, sœur Marie-Laude m’a montré hier ce que je dois faire. J’enlève les mauvaises herbes à la main puis je dois pailler chacun des pieds. J’aime bien, je vais à mon rythme, je m’assois par terre, j’arrache les mauvaises herbes et je les mets dans la brouette au fur et à mesure. On entend bien les oiseaux ici. C’est reposant. Au bout d’un moment j’écoute des podcasts en italien car je ne pratique plus l’italien depuis que je suis ici. On parle français.

J’ai toute cette allée à désherber au pied des arbres et à pailler !

Petit à petit, je vois 2, 3 sœurs arriver. Deux sœurs dans le potager et une dans les framboisiers. Mais elles sont loin de moi, déception, pas possible de travailler ensemble. Mais…par Toutatis, il se met à pleuvoir ! Youpi ! Une super opportunité pour rentrer en contact avec elles ! On a du se mettre à l’abri dans le grand abri d’outils pour jardiner. Pendant qu’il pleut, une sœur continue à scier des tuteurs en bambou pour qu’ils soient tous à la même taille alors je lui propose mon aide (maline !). Il a vite moins plu alors je l’ai accompagnée pour mettre les tuteurs sur les framboisiers. Une autre sœur nous a appris à faire des jolis nœuds entre les tuteurs. C’était super ! Après avoir bien regardé comment faire, nous avons fait par nous-même avec une sœur mexicaine, elle est petite, très mignonne. Elle rit et sourit beaucoup. Elle a une trentaine d’années je pense, et elle est sœur depuis une dizaine d’années. Après toutes ces années d’apprentissage de notre langue, elle le parle très bien mais elle essaie encore de s’améliorer et d’apprendre des mots de plus en plus précis. Alors je l’aidais, je lui ai appris le mot « K-way » par exemple. Et elle m’a dit qu’elle était responsable de la partie hôtellerie du couvent alors elle ne va pas souvent au jardin. Cela ne fait pas partie de ses tâches attribuées. C’était un bon moment ensemble de complicité et d’entre aide pour à essayer de bien faire les nœud et faire quelque chose de joli, tout en s’amusant !

Elle s’entend bien avec une autre soeur française, elle l’a connait depuis longtemps car elles étaient dans un couvent au Mexique ensemble il y a quelques années ! C’est elle qui lui apprend des mots en général.

Des soeurs essaient de réparer le taille bordure pendant l’averse
Nos jolis nœuds (fierté)
Notre magnifique structure pour framboisiers faite avec amour

On remarque que ce n’est pas de la corde qui nous permet de faire les nœuds mais une matière un peu élastique, très pratique et moins fragile que la corde je pense.

Après cela, je me suis remise à mon allée d’ibiscus.

C’est grand !

Sœur Marie-Laude me prévient qu’il y a une soirée spéciale ce soir et que je suis invitée. Un prêtre se rapproche de la communauté et il y a un événement organisé : un office avec ce prêtre, les Vêpres, apéro dinatoire puis à 21h il y a une cérémonie au sanctuaire avec l’évêque (pour autre chose, pour des jeunes).  C’est pour cette raison qu’il n’y avait pas beaucoup de soeurs à jardiner cet après midi, elles préparent la soirée. Décidément, ça je ne vis pas une semaine classique !

Les vêpres ont duré 1h30 dont 20 minutes de silence complet. Il y avait des italiens très proches de la communauté et 4 ou 5 enfants. Ils ont prié comme tout le monde et ont été tellement calmes ces enfants. Pourtant il y avait une petite d’environ 4 ans je pense.

Chaque fois qu’une personne entre ou sort de la chapelle, il met son genou à terre vers Jésus et il se relève (la génuflexion?). Le « public » et les sœurs ont beaucoup prié à genoux, en boule au sol. Il y a eu des prières, des chants à la guitare et le tout en italien et composé par les soeurs.

Le prêtre avait au départ une tenue « civile », puis il s’est changé au milieu de la cérémonie, et pour la dernière partie, il s’est rhabillé normalement et s’est mis derrière avec « le public ».

A 19h30, nous avons été à l’apéro dinatoire en marchant, en chantant avec un mouchoir blanc à la main que tout le monde brandissait en l’air. Le prêtre a fait un discours pour dire combien il aime cette communauté et pourquoi il l’a choisie. La « cheffe » de la communauté s’est même déplacée pour l’occasion, elle était présente ! Durant son discours, à trois reprises des sœurs sont venues me voir pour me demander si je comprenais. Je leur dis que oui je comprends à peu près. Elles sont surprises! Elles ont l’habitude de traduire, elles s’occupent de faire la traductions aux soeurs asiatiques qui parlent français mais pas italien. C’est trop compliqué d’apprendre ces deux langues quand on n’a pas une langue latine au départ. Puis nous avons mangé plein de petites choses, jambon de parme, melon, radis, mozzarella, pizza, cake…

Une soeur me demande d’où je viens en France et je lui demande en retour d’où viennent les soeurs françaises ici. Elle me dit qu’elle ne sait pas pour toutes, car ce qui concerne la vie « d’avant » n’est pas importe, ce qui importe c’est le présent.

On commence à se servir en petits amuses bouches et j’ai été encerclée par au moins 4 sœurs ! L’une s’adresse à moi en riant :

« alors, on est comment ?? Est ce que le monastère est comme tu pensais ? Est-ce que tu trouves qu’on ressemble à la sœur dans le gendarme à Saint Tropez ? » (avec Louis De Funès)

Elles refont une scène dans la 4L et rient, c’est drôle cette situation !

Elles étaient super curieuses, fraiches, bavardes et rigolotes. Je trouve aussi qu’elles ont de l’humour et de l’autodérision sur leur statut de « bonne sœur ». J’ai passé un super moment avec elles. Elles commentaient en rigolant l’épluchage des légumes en silence, ce que ça leur a fait la première fois, l’une disait qu’elle aime bien écouter le bruit des légumes qui se coupent..

L’une d’elles, soeur Maroussia (de 32 ans) plutôt expansive m’a félicitée : « Bravo de garder silence ! En plus lorsque tu nous croises, tu nous souris ou tu nous fais coucou sans parler, tu gères bien ! « .

On a eu plusieurs discussions intéressantes que je vous partage un peu en vrac :

D’abord sur l’habit, l’une dit : « Il y a des communautés, comme les Clarisses, pour qui la robe s’arrête au milieu du mollet, ca m’aurait pas plu, j’ai choisi cette communauté aussi parce que l’habit me plait ».

J’ai d’ailleurs appris que les Franciscains c’est les hommes et les Clarisses ce sont les femmes !

Certaines m’ont expliquées brièvement comment elles sont devenues sœurs et pourquoi cette communauté précisément. Car il y a des communautés plus dans la solidarité, d’autres plus dans la prière. Alors, elles choisissent celle qui leur convient le mieux, elles peuvent même tester des communautés. En étant ici, elles ont choisi de rester au couvent pour prier, elles ont tout ici et n’ont pas de raison de sortir. Ce sont plutôt les gens qui viennent à elles. Elles peuvent sortir mais n’en ont pas l’utilité.

L’une d’environ 26 ans me dit qu’en arrivant au couvant, elle a vu des soeurs avec des chaussettes et des sandalettes et elle s’est dit « jamais je mettrai des chaussette dans des sandalettes ! ». Au final, cela fait 7 ans qu’elle est sœur et elle rigole d’avoir aux pieds actuellement des sandalettes avec des chaussettes. Elle est « bébé soeur », car c’est seulement au bout de 10 ans qu’on fait les vœux définitifs de pauvreté, chasteté et obéissance.

Vu qu’elles doivent changer de couvent environ tous les 3 ans, elles ont toutes beaucoup de pays à leur actif (Etats-Unis, Mexique, Brésil, Burkina Faso…). Parfois elles ont fait plusieurs couvents dans un même pays aussi. Elles ne partent pas voyage vraiment pour les visiter mais au fur et à mesure d’occasion, célébration, pèlerinage, elles peuvent voir certaines choses du pays.

En vivant ensemble ici, elles apprécient le fait de vivre avec des personnes qui ont la même façon de penser, les mêmes croyances, la même chose qui les portent. Elles se comprennent. Cela me fait penser à un groupe de personne qui ont la même passion ou les mêmes convictions, qui peuvent la vivre à plein temps, et qui en plus vivent ensemble (comme en colo) et pour toute l’année et pour toute la vie. Le bonheur de vivre cela avec d’autres ! En fait je pense que ça existe déjà sur d’autres thèmes, d’autres sortes de communauté qui choisissent de vivre ensemble.

En tous cas, c’était la première fois qu’on échangeait vraiment aujourd’hui. Je suis vraiment ravie de les découvrir au grand jour ce soir. Ce sont des femmes qui ont simplement décidé de prendre en main leur vie, un choix de vie radical mais qui n’efface pas l’identité/la personnalité de chacune pour autant !

En tous cas, ce séjour me permet à la fois de les connaître un peu personnellement, ce qu’elles pensent mais aussi de découvrir le réel de leur quotidien. Depuis ce soir, je ne les vois plus comme des silhouettes qui marchent dans les couloirs et qui prient.