Aujourd’hui on est mardi 30 juillet, c’est mon premier réveil dans la gare des fouilles archéologiques, notre quartier général. J’ai très mal dormi, j’étais comme dans une cuvette. Le sommier ou le matelas est bien usé. Et j’ai tellement changé de lit depuis 5 mois, j’ai compté j’ai dormi dans au moins 14 endroits différents. Le temps que je m’habitue à un endroit, je change déjà, ma tête et mon sommeil n’apprécient plus trop ça. Ces derniers temps, la première nuit n’est pas la meilleure, je mets un peu de temps à m’habituer à mon nouvel environnement puis après je dors bien.

A 7h30, les personnes  » de corvée » choisissent la manière dont ils veulent réveiller le groupe. Ne sachant pas la manière dont ils réveillent les gens, j’ai choisi de me lever à 7h20. Je sais que je peux être exécrable toute la journée si je suis mal réveillée. Et j’ai bien fait de me lever plus tôt ! Les gens ont été réveillés à coup de couvercles de casseroles tapés l’un contre l’autre, des cymbales version j’explose tes tympans…j’étais déjà réveillée mais j’ai quand même trouvé ce son horrible et interminable. Bref. Le choc passé, nous allons au petit déj le long des rails. Aucun mot au petit dej, très silencieux. Tous les jours le petit déjeuner est de 7h30 à 8h puis on partira à 8h30.

Allez, comme prévu nous partons à 8h30 à la découverte du territoire à pieds. On commence par remonter une petite route de campagne qui passe à travers de très nombreux champs de noisetiers.

Ca me rappelle nos vacances il y a quelques semaines avec Nico dans les Langhe, vers Turin, où il y avait beaucoup de noisetiers aussi ! C’est Nunzia qui est notre guide, une archéologue italienne d’une cinquantaine d’années. Elle nous emmène vers tout ce qui a été découvert et nous fait un tour d’horizon de ce qu’on sait sur les falisques. Voici ce qu’elle nous explique :

Les fouilles ont été initiées par l’association italienne « Gruppo Archeollogico Romano » (le GAR), il y a une quarantaine d’années. C’est l’association italienne pour laquelle nous sommes volontaire ici. Toutes les recherches sont concentrées sur l’époque du peuple Falisque, c’est un tout petit peuple qu’on ne connait pas très bien et qui était présent seulement ici.

Elle nous explique que vers 400 avant Jésus-Christ, le territoire des romains s’étendait sur tout le sud de l’Italie et jusqu’à Rome. Au nord de Rome, le grand peuple contre les romains, c’était les étrusques. Et entre les romains et les étrusques, il y avait un tout petit peuple : les falisques ! Les Falisques se sont alliés avec les étrusques pour lutter contre les romains. La particularité de ce peuple falisque c’est qu’il était très proche de Rome et a du se défendre pendant des siècles pour contrer l’expansionnisme de la capitale. Puis les falisques ont été vaincus par les romains en 241 avant Jésus-Christ.

On commence par découvrir la « via Amerina ». Comme beaucoup de voies romaines, c’est une rue avec des pavés bien plats apparents. La via Amerina, c’est la route qui a été créée par les romains suite à la conquête des falisques. En fait, à chaque fois que les romains arrivent à vaincre un peuple ou un village, ils créent systématiquement une route. Cela leur permet de pouvoir déplacer les légions facilement, cela permet de continuer les conquêtes, cela permet également le commerce et le développement du territoire. Cette route leur a permis de faire du commerce facilement entre Rome et l’Ombrie (centre de l’Italie au nord de Rome) jusqu’à Pérouse par exemple. Les romains faisaient différents types de voies, parfois on pouvait passer à deux charrettes en même temps (à double sens) mais parfois non. Pour la Via Amerina, on ne pouvait passer que dans un sens. Donc si un « véhicule » arrivait en face, il fallait que l’un des véhicule se mette sur le côté pour laisser passer l’autre. Les véhicules, c’était souvent des animaux qui tiraient des charges. La principale route de l’époque et la plus connue, c’est la via Appia. Celle-ci étant très fréquentée, il a été choisi de permettre de la circulation à double sens.

Via amerina

J’ai trouvé sur le site italien « Repubblica » un article sur la via Amerina, et il y avait cette carte avec le tracé de la via. On voit clairement qu’elle allait de Rome à Perouse.

Avant de faire une route, des ingénieurs étudiaient la topographie puis ils faisaient la route la plus droite possible et sur terrain plat. Les fondations sont profondes, et une techniques de construction très précises leur permettaient de les rendre solides en cas de transport de charges lourdes ou de passages de légions. Il y aurait tellement à dire sur les voies romaines et le développement de l’empire, c’est passionnant ! Un petit documentaire court de quelques minutes ici et intéressant sur les routes romaines pour compléter, si ça vous dit !

En la regardant bien cette voie Amerina, on peut voir les marques du passé, les pierres à des endroits sont polies tellement des roues de « véhicules » sont passés (mais on le voit pas sur mes photos)

Changeons de sujet, parlons des tombes découvertes : Durant la balade à la découverte des trouvailles de l’époque falisque, on a littéralement été dans la brousse, dans la forêt, on a monté, descendu, traversé des champs de noisetiers… et c’était presque à chaque fois pour aller voir une tombe qui a été découverte.

Trouver des tombes, c’est presque le seul moyen d’avoir des informations sur la vie à l’époque falisque. On trouve presque que cela car elles sont souvent placées en campagne. Les villes antiques sont souvent sous des villes actuelles et il est impossible de faire des fouilles archéologiques sur ces endroits là.

Par ici, de nombreuses tombes ont donc été retrouvées. Pour reconnaitre si la tombe est falisque ou romaine, Manon m’a expliquée que les falisques ne peignaient pas les tombes alors que les romains les peignaient. Cela donne alors un indice sur l’époque! Une tombe à l’époque, c’est comme une pièce haute de plafond qu’on creusait directement dans la roche. Elles n’ont pas bougé avec le temps et on a pu entrer à l’intérieur.

l’entrée d’une tombe
L’entrée d’autre tombe
Il n’y a pas de tombe sur cette photo, je voulais juste montrer qu’elles sont en forêt

Et à l’intérieur de la tombe on creusait un trou tout en longueur dans le mur pour y mettre le corps et les objets personnels de chaque personne.

Par exemple sur la photo ci-dessus, on voit l’emplacement des corps de 8 personnes car il y a 8 cavités.

Les archéologues ont retrouvé des objets et cela leur a permis de savoir si ce sont des hommes ou des femmes qui ont été enterrés dans les tombes. Lorsque on inhumait le corps, on mettait les objets les plus importants de la personne avec elle dans la tombe. Pour les hommes on trouve plutôt des rasoirs ou des armes et pour les femmes c’était plutôt les outils qu’elles utilisaient ou des accessoires d’habillement (ex: la fibule, la broche qui permettait de fermer la toge).

Emplacements pour des corps creusés à l’intérieur de la tombe
Sortie de la tombe

Une fois que le corps de la personne était à l’intérieur de la tombe, on refermait la tombe avec une énorme pierre et on faisait la fête. Des bancs autour de la tombes ont été retrouvé ! Une tombe c’est pour une famille entière alors quand il y a un nouveau mort, on réouvre la tombe, on bouge la grosse pierre, et on creuse un nouveau trou dans le mur pour le nouvel arrivant.

Passionnant, non ?

Après cela, on nous a emmené voir un énorme mur qui a été construit en pleine forêt. On ne s’attend pas à le trouver là celui là. Il aurait été construit pour apporter de l’eau au village à partir d’un aqueduc lointain.

Puis nous avons été voir le lieu de fouilles actuel. D’autres découvertes ont été faites, mais j’en laisse pour demain. 😉
Après cette matinée passionnante, nous allons manger à la gare. Manon s’aperçoit qu’elle a un trou dans son pantalon. C’est ainsi que mon kit de couture « Jean-Michel Vincent » que je balade depuis 4 mois va enfin servir ! Inès sait coudre, c’est parti pour reboucher le trou aux fesses!

Il fait extrêmement chaud aujourd’hui. Je suis bien contente de ne pas faire de fouilles aujourd’hui, nous nous en allons au musée. J’appréhende un peu la journée de demain !
C’est l’historien de l’équipe, Marco, ainsi que Nunzia l’archéologue qui nous font la visite du musée. Pour la petite anecdote, c’est un couple qui s’est rencontré il y a 15 ans lors d’un chantier d’été du GAR comme celui ci. Manon étant bilingue, elle est là pour nous faire la traduction en français car évidemment tout est en italien. Certaines des trouvailles de l’association sont exposées. Les deux nous expliquent certaines pièces, le contexte historique, c’est super !

Le beau musée !
Marco l’historien, et Manon notre traductrice
Nunzia à gauche
Manon et Marco au fond

Puis on a été manger une glace et on est rentrés !

Le camion qui pour le moment nous emmène encore où on veut
Le camion sous toutes ses coutures
dessins sur le camion datant de l’antiquité bien sûr

Le soir on a bien ri avec toute l’équipe. C’est marrant c’est franco italien, alors on parle les deux langues pour essayer de communiquer avec tout le monde. Bon, la langue principale c’est quand même l’italien, vu qu’on est que 4 francophones. J’aime bien car y a toujours quelqu’un de bilingue pour traduire quand ça va trop vite ou que c’est compliqué : Giacomo qui est suisse et Manon française qui est passionnée d’Italie. Je trouve ça super !
On a parlé des tatouages de Quentin, on a parlé de la lecture des hiéroglyphes, Inès continuait à réparer le pantalon de Manon, j’ai raconté tout mon voyage depuis le 6 avril a un petit groupe d’italiens super intéressés. Ils posaient plein de questions ! Ca fait plaisir ! Il y a surtout des jeunes d’une 20 aine d’années mais on est quelques un à être plus vieux. Ouf 😉

Il est tard, il faut aller se coucher, demain c’est à notre tour de commencer à fouiller !

Bonne nuiiiiit !

Les petites discussions du soir