Dès 6h45, je suis réveillée. Dans un grand silence Rita a décidé de brasser ses affaires très tôt ce matin… Elle est habituée aux fouilles, elle vient depuis des années, elle prépare tôt le matin ses affaires à mettre dans son sac pour la journée. Elle m’a dit hier qu’elle adore fouiller, c’est un moment où elle ne pense à rien. Bon, ça n’est malgré tout pas très compatible avec mon organisation qui est de dormir le plus tard possible ! Je suis donc déjà éveillée quand les personnes « de corvée » tentent de nous réveiller en hurlant dans les couloirs « REVEILLEZ VOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUS » « REVEILLEZ VOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUS » « REVEILLEZ VOUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUS », voilà, sans arrêt. C’était leur façon de nous réveiller pour ce matin.

Bref, j’aime pas mais c’était moins pire qu’hier !

Comme hier, petit déjeuner silencieux.

Petit déjeuner rudimentaire, thé, pain sec, confiture ou pate à tartiner

Bon cette fois-ci je suis très attentive à la manière dont je me prépare et que je fais mon sac à dos. Il faut bien penser à prendre crème solaire, gants de travail, beaucoup d’eau… je porte également un pantalon long obligatoire ainsi que des chaussures de sécurité (un peu trop petites) qu’on me prête.

Avant de partir, Manon nous explique les règles de sécurité à respecter lors de cette semaine ici et les façons de creuser pour moins fatiguer.

Avant de partir avec Marie et Inès

8h30, tout le monde est prêt. On a le choix entre aller à pieds jusqu’au chantier de fouilles à environ 20 minutes ou y aller en camion en quelques minutes. Ce matin, la quasi majorité choisit d’y aller à pieds et j’en fait partie. Nous traversons beaucoup d’allers de noisetiers. Il faut faire attention à ne pas se prendre des cordes tendus délimitant les terrains, des branches ou des tuyaux d’arrosage placés en hauteur.

On arrive sur le lieu de fouilles. On est tous répartis sur 4 zones différentes. On est environ 4 à 5 volontaires sur chaque zone accompagné d’un archéologue.

En fait, il y a quatre zones de re cherche ici car on a découvert ces dernières années qu’il s’agissait probablement d’une zone de stockage de denrées alimentaires créé par les falisques. On a découvert une grande cavité dans le sol qui a été creusé dans le tuffeau par l’homme. On sait que c’est creusé par l’homme car le trou est très cylindrique. Pas très loin, on a découvert une portion de route également creusée dans le tuffeau. Il est possible que cette route avait pour but de mener à cette zone de stockage, on ne sait pas.

Quand je suis sur ma zone, je ne vois pas les gens des autres zones, on est en forêt, mais ils sont vraiment pas très loin. Voici les 4 zones :

  1. Une équipe creuse autour de la zone de stockage car elle semble plus grande que ce qu’on a déjà découvert
  2. Une autre équipe creuse à une dizaine de mètres en amont de la portion de route découverte pour voir où la route commence
  3. Une autre équipe creuse en aval de cette portion de route à une dizaine de mètres également pour voir si elle continue de ce côté également
  4. Une autre équipe creuse devant l’entrée d’une tombe, pour voir si quelque chose avait été creusé, entreposé.

La zone de stockage, deux trous cylindriques (zone 1) :

le second trou de stockage

On y entreposait probablement de l’huile, du vin…. en tous cas des denrées alimentaires.

Et là tout près, c’est la route creusée dans le tuffeau. On n’a pas la certitude à 100% que c’est une route, mais ça y ressemble :

Le bout de route creusée dans le tuffeau, déjà découverte

Je suis placée sur une zone de fouille où on creuse pour éventuellement trouver la suite de cette route. Cela permettrait de confirmer que c’est une route, et trouver son utilité. Je suis avec 3 autres bénévoles et l’archéologue Nunzia, celle qui nous a fait toute la visite hier. C’est elle qui va mener le chantier sur notre zone. Le chantier a commencé ici il y a deux semaines avec d’autres volontaires. On reprend ce qui a été commencé ces derniers jours mais c’est vraiment le début, la zone n’est pas très grande et peu découverte. On voit que les volontaires avant nous ont creusé sur un grand carré et ils ont trouvé du tuffeau resté à l’état naturel et à un moment, on voit que la roche à été taillée par l’homme. En fait c’est comme ça qu’on se rend compte à quel moment on fait une trouvaille archéologique ! C’est lorsqu’on trouve du tuffeau taillé !

Voilà où on en est sur notre zone quand nous commençons :

Ici, on voit que la partie bleue n’a pas été touchée par l’homme, aucune intervention humaine, il s’agit du tuffeau à l’état brut. Par contre, on voit d’un coup que le tuffeau a été coupé de façon très droite, là où j’ai tracé les traits jaunes. On est sûr qu’il y a eu une intervention humaine, ce n’est pas naturel.

On commence la journée, il est 9h : Nunzia nous explique les bases de l’archéologie. C’est passionnant ! Je découvre l’expression « Unité Stratigraphique », qu’on va appeler « US » toute la semaine. Je découvre les expressions « négatif », « positif » « action »… Pour faire simple, on redécoupe la zone de fouilles en petite zone pour s’y retrouver. On numérote chaque zone par des Unités Stratigraphique, donc par exemple 3US 201 », « US 202 », « US 203 », « US 204″… et ça permet de savoir de quoi on parle. Elles sont définies suivant ce qu’on trouve. Si les matières changent, si ce qu’on trouve change d’aspect, s’il y a eu une intervention de l’homme …. alors on change de numéro d’unité stratigraphique. Par exemple, la partie bleue sur la photo est une unité stratigraphique et la partie entre les deux lignes jaunes en est une autre. Ces dénominations permettent aussi de nous y retrouver ensemble pour discuter, de nommer précisément de quelle partie de la zone on parle.

Bref, après ce préalable de Nunzia, on ne poursuit pas les fouilles tout de suite après, on prend les mesures. En fait quand on fouilles, on s’arrête très régulièrement et pour un long moment pour décrire sur un carnet de bord ce qu’on voit, le dessiner et prendre des mesures. On prend de très nombreuses mesures qu’on reporte sur un plan qu’on dessine, qu’on reporte dans des tableaux, je m’attendais pas à ça. Aussi, sur le carnet de bord, on décrit aussi chaque unité stratigraphique découverte, on décrit les couleurs, les matières (terre, cailloux, cailloux mélangés à de la terre…), les hypothèses émises… En fin de journée, on doit aussi chaque jour remplir le carnet de bord où on récapitule ce qu’on a fait aujourd’hui.

Je découvre tout le petit matériel propre à l’archéologie.

Je suis avec Rita pour prendre des mesures, je tiens une énorme règle à la verticale qui s’appelle une mire, je dois faire bien attention que la petite bulle derrière la règle soit dans le rond à chaque fois que Rita prend une mesure, alors je dois rester bien stable. Elle prend la mesure en regardant dans la machine sur le trépied. Sa machine s’appelle  » niveau », ça mesure la profondeur (la machine à gauche sur la photo ci-dessus). A ce moment là, je ne comprends pas tout mais je fais ce qu’on me demande, surtout ne pas bouger, et se mettre là où on me dit de me placer, à plein d’endroits différents de la zone. En gros, je me mets aux différentes profondeurs de la zone de fouilles et on note toutes les mesures à chaque fois.

Le rond est au milieu, ne pas bouger !

A chaque mesure, Rita note tout dans un tableau.

Un autre binôme prend des mesures avec un mètre et un fil à plomb :

Une fois toutes les mesures prises et notées, nous commençons enfin à creuser mais il est presque 13h, c’est l’heure de la pause et de manger !

On descend juste en dessous dans un espace avec plein de rondins pour manger tous ensemble à l’ombre. Marco l’historien qui ne fouille pas, il s’occupe de la logistique. Il nous a apporté le repas avec le fourgon avec les deux personnes de corvées.

Le repas est très drôle, Marco s’amuse à nous lire l’horoscope de chacun d’entre nous en italien pour les italiens et dans un français plus qu’approximatif pour les francophones. On rit, on essaie de l’aider pour la traduction vers le français. Il fait près de 40°, la chaleur est assommante, certains s’endorment en attendant de reprendre les fouilles. Le repas est un bon moment de discussions et de rire. Ca chambre pas mal !

Le chien d’un archéologue, position stratégique pour voir ce qui pourrait tomber de nos assiettes
Une bonne salade
Marco au fond nous lit l’horoscope

Vers 14h30, nous reprenons les fouilles, chacun revient sur sa zone. Pour la nôtre, nous allons continuer à fouiller sur la partie déjà découverte. A certains endroit on ne voit pas encore très bien le tuffeau, alors il faut dégager toute cette terre et aller jusqu’au tuffeau afin que la pierre soit bien apparente. Si on voit l’intégralité du tuffeau, on pourra peut-être avoir une idée plus précise du pourquoi du comment nos ancêtres ont creusé ici.

C’est là qu’on apprend à se servir des truelles et des brosses. Au début, je ne comprends pas très bien pourquoi on fait ça, où est ce que je suis sencée creuser précisément, de quelle façon. Ce n’est pas évident, la zone parait petite mais les possibilités pour fouiller sont vastes. Je gratte à l’instinct!

On voit bien sur la photo ci-dessus qu’il y a encore pas mal de terre, on voit les entailles de la route, mais on ne voit pas le fond.

On est de nouveau réparties en binôme, je reste avec Rita, on gratte à la truelle la terre coincée dans le tuffeau. Nunzia et Julia ne font que de la truelle, elles essaient d’enlever la terre dans une sorte de rigole taillée et dans de petites cavités.

Je questionne un peu Nunzia quand elle passe pas loin pour savoir un peu mieux comment m’y prendre. Vers 15h30, Nunzia nous demande de faire le ménage et d’avoir une zone impeccable. On fait du ménage dans la foret, on repousse la poussière, la terre, pour bien voir la couleur du tuffeau et sa forme.

A la fin de la journée, voilà le travail, on a bien nettoyé le tuffeau et bien enlevé la terre. On voit maintenant le fond de la rue.

Vers 16h30, on plie bagage. Demain, on devrait commencer à creuser.

On est rentrés au QG, j’étais toute propre !

Miam miam la terre et la transpiration
Il fait très très beau et très très chaud, on mange des glaces

Le soir il y avait un cours de 2h d’archéologie pour les nouveaux, c’était long mais bien ! Ca a permis de bien approfondir ce qu’on a appris ce matin sur les unités stratigraphique et la façon dont l’archéologue travaille. L’archéologue Federico nous expliquait en italien et Giacomo nous faisait la traduction. Le pauvre Giacomo, Federico ne lui laissait pas le temps de traduire.

Ensuite vers 21h, nous avons visité une usine de pate à tartiner bio locale. Ici c’est le pays des noisettes et de pate à tartiner ! Il y a donc pas mal d’entreprises comme celle ci. Le monsieur nous a expliqué les étapes de fabrication puis on a fait des petits achats.

On rentre, on mange, il est 23h, après une journée pareille il est temps pour moi d’aller dormir ! Je suis très très fatiguée.

Bonne nuit!