On est dimanche, c’est aujourd’hui que nous partons de Huaylas. Ce sera à 17h. En attendant, on a une petite liste de choses à faire comme récupérer nos pulls, poursuivre la tournée des « au revoir », faire notre valise, aller au foot…

Je me réveille ce matin avec mon écharpe et mes herbes sur la tête. J’enlève tout ça, je prends une douche tiède (enfin le plus chaud que je peux avoir ici). Et…. je suis en pleine forme !! Coincidence ou ruda ? On ne saura pas ! (Et en fait ce n’est pas « malsitio » qu’il faut dire mais « mal de sitio »)

Ensuite, nous jouons les actrices sur le toit : on se filme en faisant semblant de faire du montage. On n’est pas de très bonnes actrices, on ne peut pas s’empêcher de rire… (c’est pour notre dernière vidéo, le carnet de voyage personnel. )

Ensuite, il est 11h, nous allons dans la famille Seguridad pour récupérer nos pulls et dire au revoir. Finalement, celui d’Elodie n’est pas prêt, elles nous disent de revenir plus tard.

Victor joue au foot ce matin alors on y va avec Jona. Il n’y a pas grand monde, c’est dommage, on pensait dire au revoir aux gens ici. En fait, c’est l’après-midi qu’il y a du monde au foot. Bon, on s’ennuie un peu, on fait des commentaires stupides sur ce match, et on finit par jouer au foot avec Kevin et ses copains. Il est 13h, je n’ai toujours pas fait ma valise, il faut qu’on quitte cette partie rigolotte de foot (où Elodie fait tourner en rond tous les petits avec le ballon).

(Elodie la footballeuse, avec son ballon rouge)

Je fais mon sac a dos. Et bien même si ce n’est pas très compliqué vu que je n’ai qu’à ranger ce qu’il y a dans ma chambre, c’est un petit combat d’organiser 11kg. L’avantage, c’est que demain on sera déjà à Cuzco, dans un appartement et je déballerai déjà tout ça.

En faisant ma valise, je regarde par la fenêtre. Ça me fait bizarre de me dire que je ne verrai plus ce beau paysage, j’en profite un peu, je le regarde un moment. Les habitations tout autour aux toits en tôle, l’église bien jaune et imposante, et les monstrueuses montagnes en arrière plan. J’ai découvert ce paysage il y a à la fois longtemps et pas longtemps, c’est un drôle de sentiment. Et à force de le voir chaque jour, je ne le voyais plus. En me disant que je ne le reverrai plus, il a d’un coup une grand importance. Je grave cette image dans ma mémoire et je continue à ranger ma chambre. Il est 14h, je n’ai pas fini on est attendues pour manger au restaurant. On y va.

(On va au restaurant, comme souvent Como Tu et Cual nous accueillent)

On commence à manger, il y a une atmosphère de nostalgie dans ce repas. Rien n’est comme d’habitude, on sait que c’est le dernier, on ne parle pas, on est tristes. On sait que c’est sans doute la dernière fois qu’on voit Kevin courir dans le restaurant avec ses dinosaures dans les mains, c’est la dernière fois qu’on voit Maritza cuisiner et Edith l’aider…

Au milieu du repas la famille Seguridad m’appelle en disant que les pulls sont terminés et qu’ils partent dans 30 minutes. Il faut donc y aller maintenant. On laisse Jona en plan, on part d’un coup du restaurant en disant que nous revenons finir notre assiette après.

Nous arrivons dans la petite cuisine où nous avions mangé la veille. Les pulls sont terminés, nous les portons. On est heureuses de les avoir. Trop émues d’avoir ce souvenir entre les mains et à la fois émues de réaliser que ce sont nos dernières minutes avec cette famille, nous fondons en larmes. Nous payons 140 soles chacune le pull (37 euros, elle nous demandait 27euros)

On a du mal a sécher nos larmes. On sait qu’il faut dire au revoir. On sait qu’on ne les reverra jamais. Spontanément, Mariana en larmes aussi donne sa Barbie à Elodie et elle part en courant pour me chercher un cadeau. Le petit Daniel de 2 ans qui d’habitude est excité, se demande ce qu’il se passe et nous regarde avec de grands yeux sans bouger.

Comme ils disent « nous, on ne peut pas venir en France, on n’a pas l’argent… ». On sait que si on veut les revoir, cela ne tiendra qu’à nous puisque nous on peut le faire. Mais au fond de nous, on sait qu’il y a une chance infime que nous revenions ici, pour ne pas dire que nous sommes sûres qu’on ne reviendra pas. Après tant de beaux moments partagés, c’est dur de se dire au revoir…ce sont des personnes qui nous ont tant apportés.. impossible pour moi de m’enlever de la tête en les voyant que ce sont nos derniers instants ensemble. Nous sommes dans la cuisine en larmes et petit à petit, toute la famille est autour de nous. Le discours de la famille est à l’opposé du notre. Chacun d’entre eux avait ses mots positifs et d’encouragements : Liset, son mari, son papa, sa maman, sa mamie. Ils étaient unanimes : il ne faut pas être triste, on a passé de super moments ici, il faut être heureuses d’avoir vécu cela. Même le père de Liset de 67 ans m’a dit au revoir en disant « ne sois pas triste, vous allez revenir, dieu va vous protéger tout au long de votre voyage et pour la suite de votre vie ». La mamie de 90 ans avait le discours le plus positif en me disant sans arrêt  » ne t’inquiète pas, tu vas revenir, on va se revoir, vous allez revenir nous voir dans quelques temps à Huaylas », comme si elle en était persuadée. Alors qu’au fond de nous, on sait que si on revient dans 10-15 ans les voir, elle ne sera peut-être plus de ce monde. C’était pourtant la plus convaincue, la plus souriante!

Avant de partir, Mariana m’offre une oeuvre à elle en forme de grappe de raisin et Liset nous offre à chacune un bonnet. Une fois qu’on a dit au revoir à chacun, nous quittons définitivement la maison d’un signe de la main. En rentrant au restaurant, on se souvient du dernier regard qu’on a eu avec chacun d’entre eux… ils sont comme inscrits dans notre esprit pour longtemps.

(Avec nos nouveaux pulls et nos nouveaux bonnets)

Au restaurant, nous terminons notre repas mais tout le monde doit partir et ils ne reviendront pas avant 17h. C’est le moment de se dire au revoir ici aussi avec Victor, Edith, Maritza, Kevin (Como Tu et Cookie). Ça y est, c’est le moment de quitter le grand Victor, l’homme au grand cœur, à la grande sensibilité, à la grande gentillesse…celui qui est à la fois boulanger, restaurateur, footballeur, coordinateur du travail des canadiens, guitariste, aidant, émouvant, drôle en toute circonstances… on doit le quitter, il n’y a pas le choix. On se serre fort dans les bras, on se promet de se donner des nouvelles. Il parle peu, il a les larmes aux yeux. Au moment de dire au revoir à Maritza en cuisine, elle nous offre à chacune une « Manta ». Vous savez, ce que utilisent les femmes pour porter leur bébé, la luzerne ou des courses. On ne s’y attendait pas, et voilà que les larmes nous montent de nouveau. Je suis tellement contente d’avoir une Manta de Maritza qui elle-même en utilise une chaque jour pour travailler. Edith nous offre à chacune un petit sac à main aux couleurs péruviennes…. que de cadeaux ! On ne s’attendait pas à ça ! Ils sont tellement gentils ! On se serre dans les bras, il faut se quitter, ils doivent partir. En bas, on croise Kevin tout pimpant comme d’habitude, il nous fait un calin mais vaque rapidement à ses occupations de jeux.

En redescendant, on croise Domitila qui tricote sur le trottoir. On lui dit que nous partons dans 1h30. Elle dit « ohh que c’est triste ! On ne va plus se revoir alors ? Vous me donnez une photo de vous ? ». Je l’aide à se relever, et on a alors fait un photo Polaroid, on lui donne la photo. Elle était très contente ! Comme tout le monde ici, elle nous a aussi demandé quand est ce qu’on va revenir.

(On lui a donné la photo Polaroid « papier » et nous on a pris cette photo avec notre portable en souvenir de cette gentille petite dame)

Tout le monde depuis 10 jours nous demande quand est ce qu’on va revenir. Comme s’ils partaient du principe que, de toute façon, on reviendra. Pas facile de répondre à cette question ! On sait que quand/si on revient, tout sera bien différents…. Kévin sera très grand, certains ne vivront plus ici, d’autres se souviendront plus de nous….

On quitte tellement de grands cœurs, tellement de personnes ! Ils vont tous tellement nous manquer! La vie ici était simple, belle et pleine d’amour au quotidien…

Malheureusement, on n’a pas eu le temps de dire au revoir à tout le monde comme à Andrea (soeur de Kevin) ou Manuel (fils de Victor)… ils étaient au foot, on n’avait pas le temps d’y aller…

Je finis ma valise. Il est 16h30, on décide d’aller dire au revoir aux commerçants autout de l’hôtel. On a été voir deux petites mamies chez qui on achetait des choses régulièrement. L’une d’entre elles étaient touchée par notre départ « que c’est triste que vous partiez, je me suis habituée à vous… quand allez vous revenir ? »… elle est touchante cette mamie… elle nous regarde partir sur le pas de la porte de son magasin.

Allez, il faut qu’on rentre à l’hôtel pour descendre nos affaires. Avant cela, je veux aller une dernière fois sur le toit pour profiter de cette vue sur les hautes montagnes enneigées et sur Huaylas. En bas de l’hôtel, je vois la famille Seguridad avec Liset qui me font signe de descendre. J’embarque Elodie avec moi et nous nous rendons devant l’hôtel. Liset, son mari, Daniel et Mariana sont là. Joel nous dit :  » c’est pour vous « . On a eu chacune un petit cadeau de leur mariage avec leurs noms et la date du mariage. Trop mignons !! Ils nous refont la bises et doivent partir travailler dans les champs. Au même moment, le mini bus pour Caraz arrive. Ça y est, le bus marque la fin de l’aventure, on va vraiment partir.

Le conducteur met nos bagages sur le toit, je grimpe tout à l’avant. On attends sur la place principale.

(La dernière photo de Huaylas)

J’observe cette place, ce que je peux voir de ce joli village pour la dernière fois. Le mini bus démarre, au revoir Huaylas.