Nous sommes mercredi 8 mai, c’est mon premier jour chez les soeurs de Fontanellato.

J’ai vraiment très mal dormi, ma nuit était mouvementée, je suis restée beaucoup éveillée. Je n’étais pas très à l’aise à dormir là, je revoyais ces long couloirs sombres du monastère, sans savoir très bien où je suis et sans avoir vu les personnes qui y vivent.

Bon, vue l’heure à laquelle je suis arrivée hier, d’un commun accord, je commence qu’à 10h30 ce matin. Je me suis donnée plein de temps ce matin pour me préparer mais c’était inutile : je suis réveillée depuis bien longtemps. Je suis très fatiguée, j’ouvre les volets et je découvre un très beau jardin bien vert avec des coquelicots. En plus il fait un beau temps, cela me semble moins austère d’un coup et cela me redonne des forces pour commencer la journée !

Ce couvent fait aussi hôtellerie et dispose ainsi d’une douzaine de chambres au deuxième étage. Pour ma part, je ne dors pas à l’hôtel mais au rez-de-chaussée car une classe de petits anglais remplira complètement l’hôtel à compter de lundi. J’ai donc la chambre du curé quand il vient. J’ai donc probablement la plus belle chambre (avec douche et toilette à l’intérieur !) et je suis au plus près de la chapelle !

Pour prendre le petit déjeuner, je dois monter à l’hôtel. Il y a une cuisine commune avec tout ce qu’il faut pour prendre le petit déjeuner. C’est agréable, la décoration est claire et épurée.

Sœur Marie Laude m’a prévenue que ce matin je dois enlever des briques dans le couloir principal. C’était une décoration pour Pâques mais il est temps de l’enlever. J’ai donc fait pendant une bonne heure des allers retours avec une brouette pour faire un tas de briques dehors.

Pendant ce temps, je vois 5 ou 6 sœurs assises en rond dans l’herbe dans ce jardin et qui discutent. C’est la première fois que je les vois. C’est agréable, c’est paisible. Il s’agit pour elles d’un temps consacré à la philosophie. La journée des sœurs est découpée en plein de temps différents. Vers 11h30, je les vois se lever pour aller prier à l’office de 11h45.

Elles sont très souriantes. Je n’ai pas vraiment été présentée alors, je ne sais jamais à qui je dis bonjour… peut-être toujours aux mêmes ? Je les confonds un peu. Elles sont toutes habillées pareil, elles sont jeunes et ont toutes un grand sourire. Mais à priori, on n’est pas obligées de se dire bonjour, le sourire suffit.

Vers 13h, sœur Marie-Laude est passée me chercher pour aller au temps de « coupage de légumes ». Tous les jours à 13h, les sœurs coupent les légumes ensemble en silence pendant 45 minutes. J’appréhendais ce moment, ne pas pouvoir parler tout ce temps, tout en faisant quelque chose et tout en étant 10 autour d’une table.

Nous sommes entrées dans une cuisine avec une très grande table. Il y avait plusieurs cagettes remplies de légumes ou de fruits avec la consigne écrite pour chacune. Sœur Marie-Laude me montre la cagette dont nous allons nous occuper : une cagette remplie d’une trentaine de poivrons avec un mot indiqué dessus « à couper en lamelles ». Alors c’est parti, je suis face à sœur Marie-Laude, on trempe un à un les poivrons dans une bassine d’eau puis on les coupe en lamelles pour les mettre dans un plat à four. Elle a le coup de main, elle enchaine tous les poivrons les uns après les autres. La sœur à côté de moi s’occupe d’une cagette avec de la salade, l’autre à côté d’une cagette d’oignons… et ainsi de suite.

A un moment, Sœur Marie Laude m’a arrosée d’eau sans faire exprès, on a ri (en silence). J’ai vu les sœurs se chuchoter des choses à certains moments. En fait, on peut légèrement communiquer et à voix basse et pour dire l’essentiel. Par exemple, quand j’ai fini les poivrons, j’ai vu trois sœurs s’occuper de légumes pour faire une salade de fruits. Je leur ai demandé doucement si elles avaient besoin d’aide et elles m’ont donné des fruits à découper.

Après ça, je ne savais plus quoi faire et un torchon est arrivé dans mes mains en une seconde, et une sœur m’a fait un signe vers l’évier. En effet, une petite montagne de vaisselle lavée attendaient pour être essuyée. C’est une vraie entreprise ici !

On n’a pas parlé mais les 45 minutes sont passées à toute allure. J’ai bien aimé. Cela m’a permis de me concentrer sur ce que j’avais à faire et ne pas partir dans tous les sens dans tout pleins de discussions en même temps.

Ensuite j’ai mangé « en solitude », comme on dit ici. J’ai récupéré mon plateau et j’ai mangé dehors avec moi-même. Je n’ai pas accès à tout le jardin, une partie est réservée uniquement aux sœurs. Et j’ai deux petites tables que je peux déplacer à ma guise. C’est sympa, c’est le côté avec les fleurs qui m’a été attribué et ce petit jardin me plait bien.

A 14h30, je retrouve sœur Marie Laude pour faire des « bonbonnières », c’est-à-dire un petit pochon de dragées pour la première communion d’un petit garçon. 60 personnes d’invitées ! La maman du garçon est très exigeante sur ce qu’on doit faire : mettre le tulle jaune puis 3 dragées, puis le carton avec la date de la communion, puis ajouter la combinaison de différents tulles, ajouter 2 nœuds papillon l’un sur l’autre… c’est très sophistiqué et exigent cette histoire de dragées !

Pendant que nous faisons cela, sœur Marie Laude me demande si je suis chrétienne. Je lui dis que je suis baptisée mais que je n’ai pas vraiment d’éducation religieuse, que je ne sais pas toujours à quoi correspondent nos fêtes religieuses. Et du coup elle me dit « ah mais alors je vais tout t’expliquer, on va reprendre à la création du monde par Dieu »….

Tout l’après-midi, elle m’a expliquée toutes les histoires de l’ancien testament : Création du monde, Adam, Eve, Lucifère, Noé, Isaac, Abraham, Moïse, Jean-Baptiste, et jusqu’à Jésus. Entre les petits pochons sophistiqués à faire et toutes ces histoires qu’elles me racontent (avec beaucoup de passion), j’ai terminé vers 17h45 la tête complètement farcie ! Elle ne s’est jamais arrêtée, elle voulait aller au bout. Et puis des fois elle oubliait un peu comment ce sont passées les histoires. « Tu sais, ça fait longtemps que je n’ai pas enseigné le catéchisme alors on oublie ». Bref, on n’a pas vu grand-chose de la vie de Jésus en 3h, prochaine épisode, demain !

Ensuite, j’étais tellement coincée dans les transports hier entre la voiture, le bateau, les trains puis aujourd’hui dans ce couvent que j’avais envie de sortir de là. Je suis donc allée faire un petit tour d’une heure à Fontanelatto, cela m’a fait le plus grand bien !

En brique orange, c’est le monastère
Le village médiéval de Fontanellato

Ne me demandez pas pourquoi cette photo est toute de travers !

J’ai ensuite mangé (en solitude !) et à 21h c’était la veillée pour l’ascension. Sœur Marie Laude est venue me chercher et nous sommes allées à la chapelle. Elle m’a installée au fond sur un mini tabouret, une sœur m’a donnée le petit livre de chant. Ce soir c’est un peu spécial car c’est en français, d’habitude c’est en italien.

En fait, le français est la langue de cette communauté. Je suis chez les soeurs de « Marie Etoile du matin », et cette communauté a été fondée par une française. Les soeurs viennent du monde entier. Ici, à Fontanellato, voici quelques nationalités présentes actuellement : Mexicaine, brésilienne, américaine, nigériane, philippine, autrichienne, française, belge… cette mixité culturelle permet à la communauté de rester ouverte sur le monde (notamment à table, on mange des plats du monde entier du coup!). Il y a une trentaine de couvents de cette communauté dans le monde. A chaque fois, ce sont des sœurs du monde entier qui s’y retrouvent, qui se parlent en français et qui respectent les mêmes règles (manger en solitude…etc.). Ce sont des sœurs « contemplatives », c’est à dire qu’elles sont la majeur partie du temps au couvent et elles prient beaucoup.

Bref, habituellement tous les offices sont en italien et latin, car ils sont publics et les italiens prient dans leur langue. Mais ce soir c’est en français car les italiens fêtent l’ascension le dimanche alors que chez nous en France c’est le jeudi. Donc il n’y aura pas d’italien, pas de raison de faire la veillée en italien.

J’ai assisté à une jolie veillée ce soir. C’était beaucoup de jolis chants qu’elles écrivent et composent elles-mêmes. Il y a un groupe de chant, elles sont 4 et se retrouvent pour travailler ensemble. Puis le reste du groupe suit pendant la messe. C’est beau quand elles chantent ensemble. J’ai senti une vraie force dans leur croyance. Les chants rajoutent beaucoup d’intensité. Elles se prosternent aussi, je n’avais jamais vu ça dans la religion catholique. Il y a de grands temps de silence avant de reprendre des chants ou des paroles. Quand elles parlent au micro, elles ont aussi de jolies voix.

Cela a duré 45 minutes puis ensuite il y a eu un silence complet, et pendant un long moment chacune a prié à sa façon. Et certaines sont parties au bout d’un certains temps, mais beaucoup sont aussi restées immobiles, prostrées… au bout de 15 minutes à écouter ce silence et regarder ces statues, je suis sortie et je les ai laissées dans leur intimité.

Contre toute attente, j’ai bien aimé assister à cette veillée ! Ce n’était pas monotone !

Quand j’ai pris cette photo, beaucoup étaient parties, elles étaient 16 au départ. Mais la situation était identique puisqu’aucune ne bougeait !

Et la journée s’est terminée ainsi, je suis allée me coucher.

A demain !