On est vendredi soir, et je prends le temps d’écrire mes pensées du moment comme elles me viennent à l’esprit.

A la fois, je suis très contente d’être ici car c’est un chouette projet, on progresse beaucoup en vidéo, on découvre une vie à des années lumières de la nôtre….et d’un autre côté, les jours se ressemblent un peu.

Cela fait près d’un mois et demi que nous sommes au milieu de la Cordillère des Andes, nous faisons nos vidéos, nous participons à la vie quotidienne des gens, nous les accompagnons dans leur champs, nous mangeons avec eux. C’est super enrichissant mais à la fois monotone. Tous les jours, ils vont couper la luzerne, tous les jours ils la portent sur leur dos pour la ramener chez eux, tous les jours ils déplacent leur bêtes pour les faire boire là où ils trouvent de l’eau… il n’y a pas de voiture ou de polution sonore. Le village est extrêmement calme, au point que nous sommes dérangées quand un camion passe (on en a vu que deux).

Il n’y a pas souvent de distraction ni pour eux, ni pour nous. Les seules distractions sont de manger ensemble, passer du temps ensemble dans les champs (mais souvent le femmes y vont seules et c’est très physique) et aller voir le sport le week-end au stade du village. Ponctuellement, nous avons pu faire une balade avec un local, nous avons vu Victor jouer de la guitare mais cela n’est pas très régulier.

Les enfants ont l’air très heureux, ils embêtent les vaches de leurs parents, ils courent dans les champs, ils rigolent…ce n’est pas pénible, c’est la liberté, c’est la vie avec la nature.

Je suis contente de pouvoir vivre cette expérience où l’essentiel de la vie est là ; Etre avec sa famille, avoir un toit, et travailler pour nourrir tout le monde. On est bien loin de la société de consommation, de la vie à 100 à l’heure en ville ou du stress quotidien. Ici, il fait bon vivre, tout le monde se connait, tout le monde dit bonjour toute la journée et tout le monde vit au rythme de la nature. Comme on dit ici « es muy tranquillo ».

Ce n’est pas simple de pouvoir s’adapter à ce mode de vie et de percevoir le plaisir de cette vie là . Quand on pense que la plupart a deux, voir trois activités. A 20h tout le monde se couche et les rues sont désertes. A 5h du matin tout le monde se lève pour aller s’occuper de ses animaux. Vers 8h, il faut aller travailler puis vers 17h retourner dans ses champs, même si quand on rentre il fait nuit. Parfois, pour aller dans son champs, il faut beaucoup marcher, beaucoup grimper, et y aller matin et soir. Et ça, quel que soit le jour de la semaine ou le moment de l’année. C’est le seul moyen de pouvoir vivre, il n’y a pas le choix. La vie est dur, c’est normal, la vie est dur.

Ils ne visitent pas, ne font pas de balade en famille, peu de gens sont allés voir des curiosités comme les lacs environnants. Ils répondent unanimement à notre question « pourquoi n’y êtes vous pas aller? » :  » mon travail prend tout mon temps ». Mais cette observation soulève peut-être autre chose, l’absence d’appétit de la découverte de chemins inconnus… mais tout est ambivalent puisque certains habitants qui ne découvrent pas le territoire ont accepté d’héberger des canadiens chez eux par exemple. Ils se sont alors plongés dans le total inconnu et dans la découverte en acceptant de vivre avec des personnes à la culture diamétralement opposée. Bref, je m’égare.

Je ne me fais pas à cette vie sans distraction mais cela me permet de réfléchir à ma propre vie… Notre société nous offre beaucoup de choses, mais n’avons nous pas perdu l’essentiel ? Prendre conscience de ce qu’on a, sentir son coeur se remplir lorsque nous passons un moment avec les personnes qu’on aime le plus au monde, et profiter des moments simples, même des tout petits plaisir. Cela parait un peu simplet, mais bien sûr, ce sont des leçons de vie que je tire pour moi. Elles seront bien dures à appliquer mais je m’efforcerai à mon retour de penser à ces personnes dont la vie est à la fois bien plus dure et à la fois bien plus simple que la nôtre. Ils semblent pourtant tout aussi heureux que nous. Ils ont l’air de profiter de chacun des instants face à ce magnifique paysage, de chacun des instants passés en famille.

D’autres évidences me sautent maintenant aux yeux. Quand je vois combien les personnes souffrent du manque d’eau, qu’il n’y a pas d’eau potable, que ces animaux sont obligés de manger de l’herbe dessechée, nos pratiques me sidèrent. Je pense par exemple aux batailles d’eau, aux bains, à l’eau potable qu’on utilise pour tout…. l’eau est précieuse, on se doit de la chérir, l’économiser, la préserver. On doit le faire par soucis environnemental mais aussi pour ces personnes qui se battent pour vivre et avoir suffisamment d’eau chaque jour.

C’est aussi une leçon de vie de manger si sainement, si local. Ici, il n’y a pas de supermarché. On revient aux sources, à la manière dont tout se passait chez nous il y a bien longtemps. Tous les matins, nous mangeons des oeufs sur le plat ou des avocats, le midi du poulet… ce ne sont que des aliments qui viennent directement de Huaylas. Quoi de plus naturel que de manger le poulet ayant grandi a côté et de manger les avocats que vends le voisin?

A l’inverse, ce séjour loin de mes habitudes me remplit de frustrations. Nous n’avons pas d’activités, nous vivons au rythme des gens. A ne pas avoir vraiment d’ami, de distraction, de plaisir… j’ai envie de faire une quantité inimaginable de choses; 10 fois plus que ce que je fais en temps normal en France. J’ai envie de raconter des tas de choses à mes amis jusqu’au bout de la nuit, de passer du bon temps avec ma famille, boire des bières et du bon vin, faire de la vidéo, de la photo, de danser, de chanter, de tricoter, d’apprendre à coudre, faire du théâtre, faire de la peinture, faire des jeux, partir en week end, faire du bateau…. bien sûr je ne ferai pas tout ça en rentrant mais de ne rien faire me donne envie de faire tout et n’importe quoi ! Comme quoi, je suis pleine de contradictions. Revenir à l’essentiel tout en voulant faire un nombre incalculable d’activités ? Ces pensées me laisse pantois.

Mes papilles se lacent du goût du riz avec du poulet. J’ai envie de tartiflette, de lasagnes de légumes, de boeuf aux carotes de mon père, des burgers maison de Nicolas, de fruits, de pains au chocolat au petit dejeuner, de légumes, DE DESSERTS, il n’y a pas de DESSERTS ! J’ai même parfois envie de pizza alors que je n’aime pas vraiment les pizzas.

Voilà mes analyses du jour, mes pensėes du jour….en esperant que tout ceci n’est pas trop bien-pensant à vos yeux et que cela ne vous endorme pas trop…. je me répète un peu dans mes écrits, c’est un peu simplet et destructuré, j’ai simplement rédigė au fils de mes pensées, et comme je me sens ce soir. J’ai pleins d’autres choses qui me trottent dans la tête concernant mes apprentissages grâce à ce projet vidéo/écriture, mais cela fera l’objet d’un autre article un peu plus tard.

Il reste encore un peu plus de deux semaines au sein de cette communauté autochtone et un mois au Pérou ! J’espère apprendre encore et encore !